Les Cévennes schisteuses et calcaires : deux visages, une même nature sauvage

25/04/2025

Un contraste de géologie : naissance des reliefs

Si les Cévennes fascinent autant, c’est en grande partie grâce à leur géologie complexe. Leur histoire remonte à des centaines de millions d’années et témoigne des mouvements gigantesques de la croûte terrestre. On peut grosso modo diviser la région en deux types de terrains principaux :

  • Les terrains schisteux : Ces formations dominent la partie sud et sud-est des Cévennes, correspondant à ce qu’on appelle les Cévennes "méridionales" ou "schisteuses". Ces schistes datent principalement de l’ère primaire, à la période du Paléozoïque (environ 540 à 250 millions d’années). Ils se sont formés sous d’anciennes mers, sous la pression et la chaleur résultant des tectoniques alpines. Cela donne des reliefs très marqués, aux crêtes nettes et aux vallées encaissées.
  • Les plateaux calcaires : Le calcaire caractérise quant à lui les zones à l’ouest des Cévennes, notamment les fameux « causses » (comme le Causse Méjean et le Causse de Sauveterre). Ces strates géologiques se sont déposées au Jurassique (environ 150 à 200 millions d’années). En résulte des plateaux façonnés par l’érosion karstique, parsemés de dolines et percés de grottes spectaculaires.

Les paysages : des formes opposées

Les Cévennes schisteuses : une nature brute et escarpée

Les Cévennes schisteuses se présentent comme un entrelacs de crêtes et de vallées profondes, souvent orientées nord-sud. Les altitudes, bien que modestes à l’échelle française, atteignent des sommets emblématiques comme le Mont Lozère (1 699 mètres), composé de granite, ou le Collet de Dèze. L’érosion du schiste, matériau plus tendre, façonne ces paysages en V, évacuant l’eau rapidement dans des torrents souvent fougueux.

La végétation y est typiquement méditerranéenne. Châtaigneraies, maquis, bruyères et genêts couvrent ces versants parfois abrupts. En automne, les feuillages rougissants du châtaignier prennent des teintes flamboyantes, un spectacle recherché par les randonneurs.

Les Cévennes calcaires : des plateaux ouverts et insolites

Avec les plateaux calcaires, changement de décor ! Les formes se font douces, mais paradoxalement pleines de caractère. L’érosion karstique a modelé les reliefs autrement : les canyons vertigineux des Gorges du Tarn et de la Jonte, les avens (des gouffres comme l’Aven Armand), et les vastes plateaux parsemés de blocs rocheux. Ici, l’érosion creuse et dissout, plutôt que de fragmenter.

Sur les causses, les landes dominent le paysage. Les pelouses rases abritent une flore précieuse, comme l’orchis pyramidal ou certaines espèces endémiques de la région. Ces étendues forment un extraordinaire territoire de pastoralisme, où les moutons de la célèbre race des Causses du Lot trouvent leur pâture idéale.

Une biodiversité singulière

Ce partage géologique influence directement la biodiversité. Les Cévennes calcaires et schisteuses possèdent chacune leurs spécificités.

  • Dans les régions schisteuses, l’humidité plus marquée favorise les fougères et les mousses dans les forêts, ainsi que des espèces animales comme la rainette méridionale. Le relief accidenté attire aussi des oiseaux rares tels que l’aigle royal ou les faucons crécerelle.
  • Sur les plateaux calcaires, c’est l’aridité qui domine. La faune s’adapte : lézards des murailles, aigles de Bonelli et chauves-souris profitent des cascades et des grottes, tandis que les plantes aromatiques comme le thym ou la lavande prospèrent dans cette ambiance presque méditerranéenne.

Ces deux territoires sont des sanctuaires pour la vie : ce n’est pas un hasard si l’UNESCO a désigné les Cévennes Réserve mondiale de la biosphère. Une reconnaissance largement méritée pour ce patrimoine naturel exceptionnel.

Villages et activités : entre pierre et authenticité

Les constructions des villages reflètent également cette dualité géologique. Dans les Cévennes schisteuses, on trouve des habitations traditionnelles en pierres sombres (schisteuses), couvertes de toits de lauze. Saint-Germain-de-Calberte ou Vialas, par exemple, respirent cet ancrage dans le schiste.

À l’inverse, sur les causses calcaires, les hameaux utilisent une pierre claire, presque blanche, qui capte la lumière différemment. Les bertins (abris construits par les bergers) ou encore les murs de pierre sèche illustrent parfaitement l’utilisation des ressources locales dans ce contexte.

  • Parmi les incontournables des Cévennes schisteuses, pensez aux châtaigneraies et aux sentiers escarpés autour de Florac.
  • Côté causses, pourquoi ne pas explorer les Gorges du Tarn en canoë ou visiter la grotte de Dargilan, surnommée la "grotte rose" ?

Des conseils pour explorer ces deux mondes

Pour apprécier pleinement les différences entre ces paysages, voici quelques idées :

  1. Randonner dans les Cévennes schisteuses : Les parcours autour des vallées de la Mimente ou du Tarnon sont parfaits pour découvrir les crêtes et les forêts de châtaigniers, avec des vues spectaculaires sur les vallées encaissées.
  2. Découvrir les causses en vélo électrique : Grâce aux reliefs moins marqués, le vélo ou le VTT est un excellent moyen de parcourir les paysages ouverts du Causse Méjean ou de longer les canyons bordant les gorges.
  3. Faire appel à un guide local : Les géologues ou naturalistes locaux sont une mine d’anecdotes pour comprendre cette géographie singulière. Ils pourront aussi vous mener hors des sentiers battus.

Deux visages pour un patrimoine commun

Les Cévennes, qu’elles soient calcaires ou schisteuses, forment un paysage unique façonné par la nature et l’histoire humaine. Chaque recoin est empreint de ce lien étroit entre géologie, biodiversité et traditions locales. Que vous préfériez les crêtes sauvages des terrains schisteux ou l’incroyable mystère des plateaux calcaires, une chose est sûre : explorer cette région, c’est plonger au cœur d'une terre d’harmonie où chaque élément raconte une histoire millénaire.